Kegan Darkmar, chef d'un petit groupe de Morts-vivants qui est venu à nous à la recherche d'un asile contre leurs "frères", a secoué nos certitudes contre son espèce. Peut être que sa peau pourrit et que son sang ne coule plus dans ses veines. Mais il agit noblement et semble se préoccuper davantage de ses camarades que de lui-même.
Il y a vraiment de l'humanité en lui qui manque. Je dois le confesser, à certains humains qui m'entourent.
Pourquoi est-ce que j'explique tout cela? Pour donner du poids aux mots que je vais écrire. Car ils viennent directement des lèvres de Kegan et j'ai bon espoir que mes collègues, en lisant mon journal sauront pourquoi je crois ce qu'il a dit :
"Ce qu'il reste des Anciens Dieux demeure toujours dans les profondeurs du monde. De nouvelles forces cherchent à s'assujettir, cette puissance, et ceux qui y parviendront disposeront d'une arme terrible contre leurs ennemis."
C’est ce que Kegan a dit en me tendant son pendentif d’Héliotrope, et il y avait de la peur et comme une sorte de respect dans ses yeux. Et lorsque ses mains ont touché les miennes, elles ont frémi. Comme s’il était réticent à m’abandonner le pendentif. Une vague de répulsion m’a envahi. Mais j’ignore toujours aujourd’hui si c’est à cause de sa chair morte contre la mienne ou à cause du pendentif lui-même.
Car j’ai senti un pouvoir en lui. Un pouvoir enfoui, caché, affamé, avide de s’échapper.
Bien que mes collègues de Dalaran aient hésité à étudier les Héliotropes, préférant mettre Kegan et ses compagnons en quarantaine avec tout ce qu’ils portaient sur eux. La sincérité de Kegan m’a contraint à entamer l’étude de son pendentif.
Je souhaitais vérifier si ce type de pierre possède des propriétés magiques et faire comprendre à mes collègues que si nous, les sorciers de Dalaran, ne souhaitions pas exploiter la puissance des Héliotropes. Nous devrions au moins en apprendre les propriétés, car nos ennemis pourraent un jour les utiliser contre nous.
Mes études ont donc commencé.
J’ai commencé mes tests dans l’idée que l’Héliotrope était un morceau de roc, comme le quartz ou l’obsidienne. J’ai donc lancé une série de procédures pour déterminer : quels minéraux étaient contenus dans l’Héliotrope. Quelles forces étaient appliquées pour produire la couleur et la résistance, et les autres caractéristiques propres aux rochers et aux minerais. Mais, à ma plus grande frustration, le pendentif n’a pas réagi aux procédures comme un minerai normal.
En fait, il a souvent réagi de façon contraire à ce que j’espérais. C’était comme si le pendentif essayait délibérément de tromper mes expériences.
Comme s’il pensait, comme s’il vivait.
En colère mais pas découragé, je suis parti ensuite de l’idée que l’Héliotrope n’était pas un morceau inerte de rocher, mais une chose vivante.
J’ai échoué de nouveau.
Aucun de mes nouveaux tests ne m’a apporté de révélation sur les origines de l’Héliotrope. La seule énigme que j’ai résolue à l’époque, c’était que l’Héliotrope n’était ni vivant, ni morts !
Mais c’est alors, au bord de l’échec, que j’ai fait une percée. Mon dernier test impliquait un vase de verre ébréché, ce qui laissait un petit espace sur le bord. Le test terminé, sans rien révéler, j’ai commencé à nettoyer mon matériel et je me suis coupé sur le vase.
La coupure n’était pas profonde mais saignait tout de même abondamment. Avant que je ne puisse bander mon doigt, une bonne partie de mon sang avait jailli sur le plan de travail.
Tandis que je nettoyais, j’ai constaté quelque chose d’étrange…
Le sang qui avait coulé près du pendentif d’Héliotrope avançait doucement vers le bijou, comme si la gravité s’inclinait vers l’Héliotrope. Le sang qui touchait le pendentif semblait disparaître et la couleur rouge de la pierre s’approfondissait au fur et à mesure que le sang était bu.
Après avoir vu ça, j’ai senti ma tête s’alléger, soit à cause de ma récente blessure (mais je ne pensais pas avoir perdu tant de sang), soit parce qu’après toutes ces frustrations, j’avais découvert une propriété de l’Héliotrope. Je me suis assis et je me suis mis à réfléchir. Pensées et questions s’agitaient dans ma tête, me faisant tourner la tête et menaçant de me jeter à terre.
Est-ce que les Héliotropes boivent du sang ? Ont-ils soif de sang ? Sont-ils attirés par le sang ?
Où sont-ils faits de sang ? Mais alors, le sang de qui ? Le mien ? Celui d’un humain ? D’un animal ?
Ou peut-être l’Héliotrope est-il le sang de quelque chose d’inconnu, la chose que Kegan avait à la fois l’air de craindre et de respecter en me remettant son pendentif ?
C’est la question à laquelle il faut répondre. C’est la clé.
Le feu s’est rallumé en moi et j’ai repris mes expériences. Cette fois, je ne suis parti d’aucun a priori, j’ai fait méthodiquement tous les tests à ma disposition. Cela a considérablement augmenté les efforts nécessaires, mais a accru les chances de faire une découverte.
Et bien que mon labo soit exigu et que je n’ai pas d’assistant, j’ai découvert une autre qualité étrange de l’Héliotrope.
En plus du sang, il y a des forces élémentaires contenues dans la pierre. Le feu, l’eau, la foudre et la pierre sont mélangés au sang (mais une fois encore, au sang de quoi ?) et bien que mélange soit inerte extérieurement, toutes ces forces semblent s’affronter à l’intérieur. Cet extraordinaire substance pose tant de questions !
Mais pour répondre à ces questions, d’autres études, d’autres expériences sont nécessaires. J’ai peur que le camp d’internement de Lordamere ne puisse fournir la main d’œuvre ni le matériel requis pour cette tâche. Alors j’ai envoyé le pendentif de pierre de sang à Dalaran avec des instructions détaillées sur la manière de le tester, pour leur éviter mes frustrations initiales.
Tandis que j’attendais les résultats des test, j’ai passé du temps à parler avec Kegan. Je n’ai cessé de l’interroger sur ce qu’il savait des Héliotropes, mais il ne m’a rien dit de plus que le jour où il m’a donné son pendentif. Et il n’a guère parlé du temps qu’il a passé au sein des « Réprouvés » (c’est le nom qu’il donne à son clan de Morts-Vivants).
Mais Kegan avait grande envie de parler d’autres sujets, notamment son enfance à Lordaeron avant sa chute.
Il a encore beaucoup d’affection pour ce royaume perdu, même s’il est aujourd’hui en ruines, disparu.
Ma sympathie croissante pour Kegan m’a fait patienter le temps que les résultats des tests me reviennent.
Mais après des semaines sans réponse, ma patience a commencé à faiblir, et mes demandes auprès de Dalaran m’ont appris que l’Héliotrope n’avait jamais atteint mes collègues. Mon messager a disparu en chemin et le pendentif avec lui !
Ce sont de bien graves nouvelles, car bien que Kegan et ses compagnons aient d’autres spécimens d’Héliotropes, j’ai peur que le pendentif perdu ne tombe entre de mauvaises mains.
J’ai envoyé au autre messager à Dalaran, et j’ai appris qu’ils cherchent toujours le pendentif dans les ruines qui entourent notre sphère protégée.
J’espère qu’il n’est pas trop tard.